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Dimanche 28 juin 2020 – Treizième dimanche Année A

C’est un jeu d’enfant

2 Rois 4,8-11.14-16 – Psaume 88,2-3.16-19 – Romains 6,3-4.8-11 – Matthieu 10,37-42

dimanche 28 juin 2020, par Marc Lambret

Il consiste à mettre des chevilles rondes dans des logements ronds, et des chevilles carrées dans des logements carrés. En somme, il s’agit de réaliser l’adéquation des éléments.

Vous connaissez l’antique définition de la vérité, « canonisée », en quelque sorte, par saint Thomas d’Aquin : « adaequatio rei et intellectus », c’est-à-dire l’adéquation de l’entendement et de la chose.

Le terme « digne », utilisé trois fois par Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui pour un triple avertissement assez inquiétant, relève aussi du registre de l’adéquation : il vient du latin « decet », c’est-à-dire « il convient », d’où « décent » en français. Être digne du Christ, c’est aller bien avec lui, ce qui est au fond le sens du mot disciple. Le disciple en vérité vit à la suite du Christ en adéquation avec lui. Comment faire ?

Reprenons nos ronds et nos carrés. Le cercle symbolise le ciel, puisqu’il nous apparaît comme une voûte sphérique et nous laisse ainsi deviner « la sphère céleste ». En revanche, la terre est « carrée », car il y a quatre points cardinaux. De là le plan classique des églises à quatre murs surmontés d’une coupole : l’Église n’est-elle pas le ciel venu au secours du monde qui, depuis le premier péché, ne tournait plus rond ? Cette disposition pose toutefois un problème architectural qui, pour n’être pas l’impossible quadrature du cercle, demeure un défi qu’on pourrait appeler celui de la circulation du carré.

Pour recevoir le ciel sur la terre, il n’est d’autre solution que de se laisser transformer radicalement, en donnant prise à l’Esprit pour qu’il nous conforme à celui qui est saint et sauveur, nous qui étions pécheurs et perdus. Seule la grâce du mystère pascal du Fils de Dieu communiquée par le baptême dans sa mort et sa résurrection nous rend « dignes » de l’accueillir, et par là-même d’accueillir celui qui l’a envoyé. La foi que donne le baptême, nous fait considérer Jésus en son humanité à la lumière de sa divinité en laquelle nous croyons par la puissance de l’Esprit : nous confessons qu’il est le Verbe fait chair, le Fils éternel de Dieu qui a pris notre condition humaine par amour pour nous. C’est seulement ainsi que nous devenons aptes à le recevoir pour ce qu’il est.

Alors nous ne considérons plus personne à la manière terrestre, ni père ni mère, ni enfants ni étrangers, mais seulement sous le signe de cet amour de préférence absolue que le Seigneur nous enseigne à éprouver pour lui. Comme lui, nous recevons désormais tout au monde « de la main du Père ». C’est ce que nous demandons quand nous prions, avec les mots que nous avons reçus du Sauveur, pour que sa volonté soit faite « sur la terre comme au ciel ».

Si je dis que c’est un « jeu d’enfant », c’est parce qu’il s’agit de renoncer à toute prétention personnelle en la matière et de se faire tout accueil, comme un petit qui ne peut compter sur aucun mérite propre, mais seulement sur la bienveillance des adultes. Ainsi nous devenons « enfants de Dieu ». Certes, ce n’est pas un jeu mais une affaire des plus graves, puisque cela suppose le renoncement à soi jusqu’à la croix du Christ. Pourtant, il y a un enjeu immense dans l’affaire : vraiment le passage de la damnation à la béatitude infinie, de la mort à la vie éternelle.