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Dimanche 22 novembre 2009 - Christ, Roi de l’Univers année B

« Roi ne puis, prince ne daigne, Rohan suis »

Daniel 7,13-14 - Psaume 92,1-2.5 - Apocalypse 1,5-8 - Jean 18,33b-37

dimanche 22 novembre 2009, par Marc Lambret

« Roi ne puis, prince ne daigne, Rohan suis » : autrement dit, être Rohan vaut mieux qu’être prince, et sans doute autant qu’être roi. Pourquoi cette phrase qui passe pour la devise d’une grande maison de France est-elle si séduisante ? Peut-être parce que, même sans pouvoir jouer sur l’assonance de “Rohan” et de “roi”, toute âme fière voudrait se l’approprier : en somme, être soi vaut bien être roi.

Qu’en pensez-vous ? Que diriez-vous pour vous-même, quel résumé voudriez-vous laisser de votre vie ? Quant à Jésus, nous l’entendons aujourd’hui dans l’évangile déclarer : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » Étonnant, n’est-ce pas ? Nous n’aurions pas choisi le thème de la vérité pour récapituler la personne de Jésus, mais par exemple plutôt celui de l’amour, sans doute.

Amour et vérité, en fait, se rencontrent dans la personne de Jésus, justice et paix s’embrassent en celui qui est le Verbe incarné, le logos éternel devenu Fils de l’homme. Dans son encyclique L’amour dans la vérité, le pape Benoît XVI nous explique : « La vérité est logos qui crée un dia-logos, un dialogue, et donc une communication et une communion. » À bien y regarder, donc, la vérité crée l’amour, et l’amour est riche de vérité. Nous en reparlerons samedi prochain dans l’enseignement de la récollection sur la confiance.

La déclaration du Christ au moment d’être livré à la mort, sa dernière parole à Pilate qui l’interroge sur son identité royale, signifie bien le mystère intégral du Fils de Dieu venu dans la chair.

En toute humilité divine, le Fils se situe lui-même en « témoin » de la vérité qui est le Père : il n’est pas le Père, il « ne peut pas » être le Père. Le Fils ne peut rien s’attribuer de lui-même, mais le Père lui remet tout, c’est pourquoi il a dit aussi : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ». De même, le Roi de l’Univers, c’est le Père tout-puissant, dont la monarchie n’est pas altérée lorsqu’il confère la royauté au Fils.

Jésus est le “prince”, le “premier”, selon la signification littérale du mot, en tant que “premier-né d’entre les morts” afin de devenir “l’aîné d’une multitude de frères”. Lui, “l’éternel engendré non pas créé”, a daigné devenir un tel “prince” : il a daigné s’anéantir dans l’incarnation et s’abaisser jusqu’à la mort de la croix par amour pour nous. Ainsi il est né et venu dans le monde pour rendre témoignage à l’amour de Dieu pour les hommes, au “trop grand amour” du Père.

“C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui surpasse tout nom” : il s’agit du nom de Dieu, bien sûr, en sorte que “Jésus” se révèle être le nom de Dieu. Le nom qu’il reçut des hommes dont il reçut notre faible vie, ce nom de l’anéantissement dans la chair, devient celui de l’exaltation dans la gloire. Ce nom propre considéré comme quelconque à son époque devient l’appellation du grand Roi. Sur la croix, comme nom et motif de condamnation, il fut écrit “Jésus, roi des Juifs”. Mais c’était la vérité, car le Fils éternel a daigné se faire le roi des Juifs, le successeur de David, fils d’un sang pécheur, pour devenir le sauveur de tous les hommes et le roi de l’Univers pour l’arracher au néant.

Écoutons-le, frères bien-aimés, pour notre salut et notre gloire, puisque tout homme qui écoute sa voix appartient à la vérité. Ne dédaignons pas de subir avec lui l’humiliation et la mort, d’être ”martyrs”, témoins de la vérité avec lui, afin de ressusciter et de vivre en lui. Ainsi le nom de chacun de nous, le nom reçu de Dieu au baptême, devient plus grand que celui d’aucun roi de la terre, puisqu’il nous fera régner avec le Christ au plus haut des cieux quand il viendra dans sa gloire !